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La version en arabe de l’excellent ouvrage Sétif la fosse commune : massacres du 8 Mai 1945, de notre confrère Kamel Beniaïche vient d’être éditée à compte d’auteur. Comment a été réalisée la traduction du livre ? L’opération r«Il faut ouvrir les archives sur ce génocide...»
La version en arabe de l’excellent ouvrage Sétif la fosse commune : massacres du 8 Mai 1945, de notre confrère Kamel Beniaïche vient d’être éditée à compte d’auteur. Comment a été réalisée la traduction du livre ? L’opération répond à la demande du lectorat. Je ne pouvais rester insensible et indifférent aux sollicitations des lecteurs, bien que la traduction d’un fait historique ne soit pas une sinécure. S’apparentant à une césarienne sans anesthésie, l’opération n’a pas été facile à concrétiser. En plus des obligations familiales et professionnelles, il fallait en outre trouver du temps et de l’énergie pour relire, corriger et ajuster la nouvelle version au document initial. Ce n’est pas du tout évident de prolonger une journée éreintante jusqu’à 21h ou 22 h, une année durant. Pour pouvoir offrir une bonne matière à un lectorat connaisseur, le travail a été soumis à l’appréciation d’un groupe de journalistes, écrivains et universitaires rigoureux. Les observations et remarques de ce noyau de lecteurs nous ont permis de peaufiner un travail qui n’a pas été simple, faut-il le rappeler une fois de plus. On constate l’introduction d’une deuxième préface… Un travail scientifique sérieux exige l’approbation d’un ou plusieurs référents. Auteur de nombreuses publications académiques se rapportant au drame de Mai 1945, Dr Bachir Faïd, enseignant-chercheur de l’histoire contemporaine, en est un. En préfaçant l’ouvrage, le chercheur ajoute non seulement de l’eau au moulin de l’historien Gilles Manceron, mais valide la première partie de l’enquête devant être complétée et renforcée par une deuxième édition, en chantier. La contribution de l’universitaire qui a lu, décortiqué et analysé ce livre-enquête, conforte et appuie les informations fournies et les thèses développées par l’enquête. Le choix de la caricature n’est pas fortuit. Ni la caricature ni la 2e préface ne sont fortuits. Comme je l’ai dit précédemment, la version arabe de l’ouvrage est le fruit d’un travail collectif. Après avoir discuté le pour et contre de nombreuses variantes, le choix final s’est porté sur cette caricature montrant des crânes de martyrs, dont certains enveniment depuis un certain temps les relations algéro-françaises En revenant au contenu, vous dites que le 8 Mai 1945 est un complot prémédité ? La boucherie de Mai 1945 est un complot tramé par l’armée coloniale, l’administration coloniale, dominée par les pétainistes, et des colons dont les intérêts et avantages étaient en péril. Des preuves sont consignées dans l’ouvrage. La milice et l’administration locale du pays profond ont sauté sur l’occasion pour régler de vieux contentieux et éliminer des fonctionnaires, des instruits, des militants et des indigènes qui n’avaient à l’époque pas le droit d’avoir le statut de propriétaire terrien. Pour étayer mes propos, la déclaration du général de Gaulle faite à Alger en août 1944 ne prête à aucune équivoque. La note du 18 janvier 1945 signé par le général Henry Martin est un indice. Les incidents de Ksar Chellala, où était astreint à résidence Messali Hadj, font partie de la feuille de route tracée par les maîtres de l’époque et à leur tête le secrétaire général du gouvernement d’Algérie, Pierre René de Gazane. La déclaration du préfet de Constantine, le 26 avril 1945 prédisant des troubles et la dissolution d’un grand parti est une autre piste. Je ne terminerais pas sans poser une question, importante à mes yeux, pour quelles raisons les membres du gouvernement provisoire de la République française de l’époque : François Billoux (Santé) Charles Tillon (ministre de l’Air) et Pierre Henri Teigen (ministre de l’information) étaient-ils tenus à l’écart ? Vous dites aussi que les massacres de Mai 1945 n’ont pas livré tous leurs secrets. Il est vrai qu’un crime n’est jamais parfait. Malheureusement le massacre de Mai 1945 en est un. Perpétrée à grande échelle et à huis clos, la boucherie, qui a endeuillé une région de la dimension d’un pays ne divulguera jamais tous ses secrets. En plus de la chape de plomb posée et imposée par les maîtres des lieux, du silence et de l’aveuglement d’une presse aux ordres, la géographie d’une région très difficile d’accès dans sa partie nord met son grain de sel. Malgré les recherches et travaux réalisés par des chercheurs et journalistes algériens, issus de la grande école d’El Moudjahid, on ne connaîtra jamais les pertes engendrées et les souffrances endurées par les gens de Beni Bezez, de Thanarine, d’ Aftis, d’Ihournane, d’Izghoughane, de Bouyamane, de Ouled El-Hadj, de Theniet Elkharchouf, d’lamguisba, de Ouled Badis, de Ouled Ameur (Ferdjiaoua-Mila), et de Tassadane (Jijel), pour ne citer que ces hameaux situés à mille lieues de l’épicentre du volcan. Que préparez-vous pour la 2e édition ? Pour paraphraser l’historien Jean-Pierre Peyroulou, estimant à juste titre que l’histoire a besoin d’archives, la 2e édition comportera de nouveaux documents d’une incommensurable valeur historique. Je vous cite la correspondance N°628/ADC du 30 juin 1945 (au sujet de la répression et de l’apaisement) du gouverneur général d’Algérie, Yves Chataigneau, transmise au préfet de Constantine, Lestrade Carbonnel. Un petit listing des vols commis par l’armée coloniale, le sort réservé au cadavre d’un des Hanouz (Kherrata) seront dévoilés. On montrera aussi que les faits et gestes de Ferhat Mekki Abbas étaient épiés par les renseignements généraux de la police coloniale du 10 octobre 1934 au 20 avril 1945. Laissez-moi vous dire une autre chose…. Tant que les archives ne sont pas décolonisées, on ne saura rien de ce bain de sang. Il faut «décoloniser» et ouvrir les archives sur ce génocide. Read more