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Pour son Café littéraire hebdomadaire de mardi dernier, le comité des fêtes de l’APC de Biskra a invité la moudjahida Yamina Cherrad Bennaceur à venir présenter son livre intitulé Six ans au maquis, édité en 2017 par El Kalima. Devant un publiSix ans au maquis, parcours d’un battant
Pour son Café littéraire hebdomadaire de mardi dernier, le comité des fêtes de l’APC de Biskra a invité la moudjahida Yamina Cherrad Bennaceur à venir présenter son livre intitulé Six ans au maquis, édité en 2017 par El Kalima. Devant un public de qualité, féru de lecture et d’histoire, cette dame née en 1936 à Bel Air, un quartier de la périphérie de Sétif, a narré avec précision et beaucoup d’émotion ses années d’engagement et de lutte contre la colonisation française dans les maquis du nord du pays, sa rencontre avec Bachir Bennaceur, valeureux martyr tombé au Champ d’honneur et dont elle est veuve, les circonstances de la mort de celui-ci et la vie des femmes dans les maquis durant la Guerre de Libération nationale. «Sans la femme rurale, la Révolution n’aurait pas abouti. En tant qu’infirmière engagée dans les rangs de l’ALN, j’ai été affectée dans les Babors, à Jijel, et dans d’autres repères montagneux. La mort était omniprésente et la douleur de la perte de nombreux compagnons ne nous quittait pas. J’ai appris la fuite incessante, l’art du camouflage. J’ai découvert la dure condition des paysans subissant les affres de la misère, de l’autoritarisme des caïds, de la violence de leurs sbires et de la répression de l’armée française. J’ai connu des êtres simples, mais immenses de courage, de détermination et de résistance. J’ai offert mon dévouement d’infirmière et mon amour à la population de mon pays», s’est-elle souvenue. Né en 1930 à Oued Souf, le martyr Hakim Bachir Bennaceur, son mari, était un excellent élève qui a obtenu son baccalauréat en 1954. Un héros national méconnu A Biskra, il a participé à un stage en pharmacie, prérequis pour prétendre à des études en pharmacie à la faculté de médecine d’Alger, où il s’est inscrit en 1956. Sa famille possédait à Djebel Ouahch une ferme servant de lieu de repos et de passage aux maquisards. Là, il a fait la connaissance de plusieurs responsables de l’ALN et il s’est engagé corps et âme dans la lutte pour l’indépendance de l’Algérie. Affecté au service de la santé, il a soigné les blessés des zones 1 et 4 avec le docteur Lamine Khene, qui rejoindra le GPRA en 1959. Recherché par l’armée coloniale, Bachir Bennaceur est tombé au Champ d’honneur à Constantine, les armes à la main, dans la maison des Belbacha, à Faubourg Lamy, le 1er décembre 1961, après que des militaires ont encerclé et assailli les lieux où il était caché avec le Dr AzzouzBourghoud et deux autres maquisards. Il a été enterré à Constantine sous le nom de Bachir Aïssaoui. Une longue procédure judiciaire entamée par sa famille après l’indépendance lui fera récupérer sa véritable identité. «Les maquisards, femmes et hommes, qui l’ont côtoyé, reconnaissaient en lui un courage exceptionnel, un dévouement entier pour la cause nationale, une simplicité et un humanisme sans faille. C’est 33 ans après son décès que l’arrêté d’authentification comme cadre de la nation a été signé par le ministre des Moudjahidine avec une erreur de date, lui retranchant une année de sa vie»., souligne l’hôte de Biskra dans la partie de son livre consacrée à ce héros national dont plusieurs édifices portent désormais le nom, l’ancien hôpital d’El Oued, l’ex-place Leperrache Valet (la Brèche) de Constantine, une rue, un collège et un hôpital à Biskra. Ce qui n’empêche pas que sa vie et son sacrifice pour une Algérie libre et indépendante soient occultés des livres d’histoire, ont fait remarquer des intervenants. Force et déception d’une grande dame «Durant plusieurs décennies, je ne me suis jamais exprimée. Amnésie volontaire ? Crainte de réveiller de vieilles douleurs ennemies ? Sentiments communs à la majorité des moudjahidine et surtout des moudjahidate, que nous avions simplement accompli un devoir et répondu aux impératifs de notre temps. Fallait-il que se généralise la méconnaissance de notre histoire par notre jeunesse qui en arrive à condamner le passé à cause d’un présent décevant pour que j’ajoute mon témoignage à ceux qui l’ont précédé ? Fallait-il que le temps déroule son fil jusqu’à mes quatre-vingts ans pour que s’impose à moi la nécessité de raconter ce que j’ai vécu pendant la Guerre de Libération nationale ?» souligne Yamina Cherrad Bennaceur, en 4e de couverture de son livre, où elle répertorie en annexe une impressionnante liste d’infirmières ayant rejoint les maquis et des photographies d’époque en noir et blanc, replongeant les lecteurs dans la Révolution algérienne de 1954. «Dans notre récit, nous avons senti beaucoup d’entrain, de force et d’espoir quand vous avez évoqué vos six ans passés dans les maquis pour soigner et soulager les révolutionnaires blessés dans les accrochages avec les soldats des forces coloniales. Cependant, quand vous avez abordé le recouvrement de l’indépendance des Algériens en 1962, votre ton a changé. Nous avons senti dans votre voix de la déception, du désappointement et une immense tristesse. Pourquoi cette paradoxale césure émotionnelle et tonale entre les deux périodes de la guerre et de l’indépendance recouvrée ?», a demandé un jeune à la moudjahida au cours du débat. «Après l’indépendance, des militaires qui étaient cantonnés sur les frontières est et ouest du pays sont arrivés avec la prétention que c’étaient eux les vainqueurs et qu’ils détenaient l’autorité suprême. En 1962, j’ai été affectée à Constantine, au dispensaire de la ferme Ameziane, qui était un lugubre centre de torture. Avec mon fils Saïd et celui de mon mari, Bachir Bennaceur, je me suis installée dans un logement y attenant. Les tâches de l’indépendance me paraissaient immenses. La misère de la population était extrême. Malheureusement, il y a eu des troubles entre les wilayas. Tout a changé, lorsque les conflits ont éclaté entre les révolutionnaires de l’intérieur et de l’extérieur. Beaucoup de responsables du Constantinois ont été tués, emprisonnés ou ont fui devant l’avancée de l’armée des frontières. Je ne comprenais plus rien. Après la joie de l’indépendance, ce fut le désarroi. J’ai quitté le pays pour aller vivre à Tunis la mort dans l’âme en compagnie du frère de Bachir venu me secourir et s’occuper de son neveu», a expliqué cette grande dame de la Révolution algérienne, laquelle vit actuellement à Alger. A noter qu’une vente-dédicace de son livre a clôturé cette rencontre littéraire de bonne facture. Read more