newsare.net
Le premier long métrage, Paris la Blanche, de la réalisatrice Lidia Terki, en lice pour la compétition du 13e Festival international du film oriental de Genève, a été projeté, mardi soir, à la maison des Arts du Grütli l Peu connue du public algérie«Je traite de l’immigration sous un autre angle»
Le premier long métrage, Paris la Blanche, de la réalisatrice Lidia Terki, en lice pour la compétition du 13e Festival international du film oriental de Genève, a été projeté, mardi soir, à la maison des Arts du Grütli l Peu connue du public algérien, la réalisatrice revient dans cet entretien exclusif avec beaucoup d’émotion sur le scénario de cette fiction et sur certains points qui lui tiennent à cœur. Entretien réalisé par Nacima Chabani Comment êtes-vous venue dans l’univers du cinéma ? J’avais envie de faire du cinéma à l’âge de douze ans. Mais à mon époque, on me disait plutôt que ce n’était pas un métier de femmes. En fait, j’ai fait un petit peu de droit, mais franchement cela ne m’intéressait pas. Je suis revenue au cinéma assez vite en entrant par la petite porte. J’étais stagiaire sur un film où je faisais les décors. Petit à petit, j’ai continué dans le décor, mais, par la suite, je voulais me rapprocher de la caméra. C’était la caméra qui m’intéressait depuis l’âge de douze ans. Chemin faisant, des gens que j’ai rencontrés ont compris cela chez moi. Ils m’ont laissée arriver près de la caméra. Je suis devenue assistante. Après, je me suis lancée en faisant plusieurs courts métrages, documentaires et un premier long métrage, Paris la blanche, en 2016. Pourquoi avoir choisi l’intitulé de votre film Paris la blanche, alors que ‘‘la blanche’’ est une expression propre à Alger ? C’est en référence directe avec cela. Je voulais absolument tourner en Algérie. C’était quelque chose que je ne voulais pas faire ailleurs. Souvent, pour les films qui sont tournés en Algérie, la production dit de tourner au Maroc. Moi je dis non. C’est une célèbre baie à plein de niveaux. C’est quand même beaucoup de gens qui se sont éloignés de cette baie, à plusieurs époques de l’histoire. C’est un trajet qui est particulier que de s’éloigner de la baie d’Alger par bateau. Le personnage principal de mon film, Rekia, aurait pu prendre l’avion, mais pour moi, c’est aussi le moyen de raconter aussi par rapport au trajet de cette femme de soixante-dix ans toute l’histoire de l’Algérie et des rapports entre la France et l’Algérie. Il fallait absolument que je tourne mon film à Alger. Il se trouve que pour la petite histoire, la baie d’Alger est une baie qu’on ne peut pas filmer. Pourquoi ? Parce que tous les immeubles qui sont en face sont des immeubles administratifs. Je voulais montrer le bateau qui s’éloigne du quai mais on m’a dit que je ne pouvais pas le faire. Je me suis dit que je ne pouvais filmer nulle part sur ce quai. Une fois que nous avons été sur le bateau, j’ai dit on le fait car je ne peux pas avoir cela dans mon film. On a donc utilisé le travelling, le mouvement du bateau. La caméra est fixe et c’est elle qui traverse le plan avec la ville qui s’éloigne. C’était important pour moi que cela soit imprimé, aussi bien pour les pieds-noirs qui ont quitté l’Algérie, que pour tous les immigrés qui sont partis après l’indépendance pour travailler en France. Pour moi, c’est une image qui rejoint beaucoup d’émotion chez les gens. La traversée de la Méditerranée par bateau, c’est quelque chose qui est imprimée chez tous et même ceux qui partent aujourd’hui de Syrie et d’Afrique vers l’Europe. C’était important d’imprimer dans ce début de film muet toutes ces images-là, qui sont plus ou moins des images historiques et qui participent à l’histoire d’aujourd’hui. Quand je prends ce bateau vide, il n’y a que quelques hommes, alors que c’est un bateau qui pourrait prendre plus de 700 personnes. Je voulais mettre aussi des plans de nuit avec la mer de nuit. C’est assez angoissant. J’ai mélangé au son de la mer et du vent des cris humains. Cette image-là, c’est quelque chose qui m’effraie énormément. A quel point cette histoire est personnelle pour vous ? Pas vraiment, car ce n’est pas du tout mon histoire personnelle. C’est Colo Tavernier, une scénariste, qui m’avait présenté quelques pages d’un scénario d’une femme qui cherchait son mari dans Paris. Elle m’a donc confié ces quelques pages qu’elle avait. Elle avait dû écrire ces pages vers la fin des années 80. Cette amie scénariste m’a dit que cela pouvait m’intéresser. Les pages étaient tapées à la machine. Deux mois avant, j’avais perdu mon regretté père. J’étais en période de deuil. Mon père était algérien. Je suis née en Algérie et ma mère est française. Je me suis dit que je ne connaissais pas vraiment l’histoire de mon pays et de mes origines. Je n’ai jamais pu aller en Algérie à cause de la décennie noire. Mon père avait trop peur pour nous. Je trouvais cette histoire très belle et émouvante à la fois. Je voulais traiter le thème de l’immigration d’une autre façon. Je me suis renseignée sur les «Chibanis». Je suis allée les voir dans des foyers et discuter avec eux. J’ai même rencontré quelqu’un qui faisait un documentaire sur les «Chibanis». Mon but en tant que cinéaste n’est pas de donner des directives. Moi je veux juste que les gens voient le film. J’ai une vision du cinéma qui est la mienne. Je n’aime pas qu’on me dirige quand je suis spectatrice. Je fais un cinéma qui suscite des questions. Les réponses, quelque part, sont dans l’histoire, dans l’historique et dans l’humain. Je pense qu’on peut comprendre l’état d’esprit de cet homme qui ne veut pas rentrer définitivement dans son pays car quelque part c’était un sacrifice de vie et qu’il ne connaît pas ses enfants. Est-ce de l’abandon ? De la fierté ? De l’honneur ? Un manque de savoir ? Où est sa place ? Quelle est sa place désormais ? Est-ce de la dépression ? C’est un film également axé sur la profondeur de l’amour... Exactement. Ce film est également une histoire d’amour à beaucoup de points de vue. Est-ce que l’humanisme est une sorte d’amour? Oui, je le crois. J’ai été touchée par ce sujet-là, car je suis une personne qui aide dans la rue. J’ai déjà eu chez moi des gens que j’ai ramassés, alors qu’il faisait moins dix dehors. Ce qui m’a amenée, parfois, à des situations particulières, mais en même temps, je trouve que nous avons chacun cela en nous. Il y a cette peur qu’on nous inflige dans les médias. La peur de l’autre et la peur d’aider. Et maintenant l’interdiction. Il faut bien le dire. On est pénalisés si on a quelqu’un chez nous. Est-ce que cela va arrêter pour autant notre humanité intérieure? Eh bien non. Je voulais faire un scénario là-dessus, mais au scénario, on m’avait dit c’est un peu de bons sentiments. C’est une fiction. Il y a quelque chose d’autre qui transparaît dans ce film, c’est l’humanité. Je suis très fière de ce film, parce que je pense, car à chaque fois que je vois ce passage entre tous ces gens qui font comme une petite famille, je me dis que c’est vers cela que j’ai envie d’aller. Ce sont des histoires comme cela que j’ai envie de raconter. Et tant pis s’il y a des gens qui pensent que ce sont de bons sentiments. Le discours dans votre film oscille entre trois langues distinctes : l’arabe, le français et le kabyle ? Je ne parle pas du tout kabyle. C’était dans une note d’intention de faire participer toutes les langues qui découlent de la décolonisation, de la pré-colonisation et de l’arabisation. Effectivement,Rekia parle parfaitement le français, parce qu’elle travaillait chez les Sœurs. Elle était destinée à parler le français. Pour moi, cette femme raconte aussi l’histoire de l’Algérie, de la colonisation, de la décolonisation. Votre premier long métrage n’a bénéficié d’aucune aide de l’Etat algérien ? Je n’ai eu aucune aide du gouvernement algérien, mis à part les autorisations pour le tournage. Je ne sais pas pourquoi. On avait une coproduction algérienne qui s’appelle Allégoria, laquelle s’est occupée des autorisations pour le tournage du film. Mais sinon, de la part de l’Etat algérien pour nous aider à faire le film, comme l’a fait l’Etat français, nous n’avons eu aucune aide. Je suis franco-algérienne. Je ne vous cacherai pas que j’ai été un peu déçue pour mon regretté papa qui était algérien. Ceci étant, j’aimerais faire un autre film algérien. Justement, quels sont vos projets ? Là j’ai un projet d’anticipation et un autre d’un film fantastique. J’ai aussi plusieurs autres projets. J’ai aussi un projet de famille, mais c’est assez particulier, mais après j’ai un film qui devrait se passer en Afrique du Nord. J’espére dans le désert algérien . Read more