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Dans l’inventaire laconique de ses réalisations rendu public à l’occasion du 1er Mai, Bouteflika a notamment vanté son bilan politique qu’il considère comme très positif. «Au plan politique, la consolidation de notre système démocratique pluVu à la télé : Le système «multi-unique» de Bouteflika !
Dans l’inventaire laconique de ses réalisations rendu public à l’occasion du 1er Mai, Bouteflika a notamment vanté son bilan politique qu’il considère comme très positif. «Au plan politique, la consolidation de notre système démocratique pluraliste et la promotion des droits et libertés ont été couronnées par l’amendement constitutionnel de 2016» a-t-il affirmé sans la moindre circonspection. S’il y a un domaine où précisément le bilan du chef de l’Etat est assimilé à un véritable fiasco, c’est bien celui de la politique où toute entreprise pluraliste a été systématiquement neutralisée et férocement combattue depuis son arrivée au pouvoir. Bouteflika parle de système démocratique alors qu’il a mis en place tout un dispositif répressif pour annihiler toute forme de contre-pouvoir susceptible de remettre en cause la pensée unique. Au demeurant, notre Président qui aspire à rempiler pour un cinquième mandat après avoir transgressé à deux reprises la loi fondamentale du pays pour la mettre à son service, a toujours régné avec cette constance idéologique de la pensée unique en dépit du fait qu’il a trouvé, lorsque les militaires l’ont intronisé, le pays déjà installé dans le multipartisme. Au lieu de renforcer cet acquis démocratique en élargissant les voies de la pluralité politique, il s’évertua au contraire à limiter les libertés tout en continuant à prôner les vertus du pluralisme auquel il n’a jamais cru ni adhéré. C’est donc subtilement qu’il a réussi à inventer une nouvelle doctrine qui pourrait être un condensé de deux tendances diamétralement opposées et qui pourrait s’appeler le… «multi-unique». C’est une doctrine qui, selon son auteur, s’appuie formellement sur la pluralité politique, mais qui en vérité fonctionne selon les bonnes recettes de la pensée unique telle celle qui a nourri le concept idéologique du vieux parti depuis qu’il s’est fondu dans le rapport Parti-Nation pour devenir un redoutable appareil de domination. Bouteflika évoque en réalité le multipartisme comme un sacerdoce politique de pure forme pour avoir bonne conscience vis-à-vis de l’opinion internationale. Dans les faits, sa méthode de gouvernance n’a rien à envier à celle qui prévalait au temps du parti unique. Si le FLN est toujours présent comme première force dans un système de pluralité où tous les autres antagonistes sont relégués au rang de figurants pour remplir la grille, donc comme principal acteur par lequel est contrôlée la scène politique, la nouveauté introduite est que l’héritier actuel du vieux parti n’a plus tout à fait le monopole de l’initiative puisqu’on lui a adjoint des partenaires chargés de la même mission que lui. On cite ici le RND comme deuxième force motrice de l’ordre pyramidal et avec lui tous les minuscules partis satellites qui gravitent autour du «programme du Président» et par lesquels on veut absolument faire accréditer la thèse selon laquelle le système politique de Bouteflika est foncièrement pluraliste et librement ouvert aux choix et aux engagements qui convergent vers lui. Comme quoi des partis comme le MPA et TAJ qui aspirent à faire partie d’une grande alliance partisane pour défendre les positions du Palais ont adhéré à la matrice sans qu’il y ait le moindre soupçon d’allégeance ou de soumission. Autrement dit, ni Benyounes ni Ghoul ne seraient redevables à Bouteflika alors que tout le monde sait que sans l’appui de la présidence, ces deux «personnalités» politiques et leurs formations n’auraient jamais pu prétendre à des places aussi confortables au sein de la classe politique. En servant le détenteur et le propagateur de la pensée unique en échange d’une notoriété préfabriquée, voire factice, ils portent un rude coup au multipartisme authentique qui se construit non pas sur la base d’une subordination éphémère, mais sur un combat d’idées, de convictions et de sacrifices. On est loin donc du pluralisme de pacotille prêché par Bouteflika qui, même en prenant la forme d’une coquille vidée de sa substance, trouve aisément toutes les conditions pour s’énoncer alors que les défenseurs des droits aux libertés et à l’expression plurielle voient de jour en jour leurs espaces de concertation militante se réduire comme peau de chagrin. Le système «multi-unique» reste conquérant dans un pays qui aspire profondément à la démocratie et dans lequel la pluralité politique est verrouillée quand elle n’est pas violemment réprimée. De quel pluralisme parle Bouteflika lorsque lui-même dresse les barrières pour empêcher que l’alternance au pouvoir devienne une réalité ? Mais comment accéder à cette alternance lorsque les partis d’opposition sont soumis aux pratiques d’étouffement les plus insidieuses dans le but de les empêcher de grandir et devenir des forces de proposition capables de gouverner ? Bouteflika promu à un cinquième mandat, le message est frappant, c’est encore davantage une ferme résolution pour réduire le multipartisme à néant que la recherche d’une énième gloriole pour un Président qui est déjà depuis longtemps à bout de souffle. Qui veut-on leurrer en dressant un bilan politique aussi élogieux alors que les partis non arrimés au cercle présidentiel n’arrivent même pas à avoir une salle pour tenir leurs réunions, et de surcroît n’ont que rarement accès aux médias publics pour faire entendre leur voix ? Mais les libertés fondamentales qui incarnent ce pluralisme et lui donnent toute sa consistance ne concernent pas que la classe politique. Ce sont les syndicats autonomes, les associations et les médias indépendants qui souffrent de la banalisation du concept et qui dans leurs activités rencontrent les pires difficultés pour s’émanciper. En termes plus clairs, le pluralisme en Algérie est devenu par la force des choses et du jeu machiavélique des tenants du système une énorme escroquerie intellectuelle qui fait largement les affaires du Pouvoir autocratique. Pour preuve du mépris accordé aux idées contradictoires qui constituent la sève de la pluralité, et un des fondements de la démocratie, Bouteflika n’a jamais débattu avec les partis d’opposition, n’a jamais rencontré les représentants de la presse indépendante, et on voudrait bien se souvenir du jour où il a mis les pieds dans l’enceinte de l’Assemblée nationale «pluraliste» pour rencontrer les élus du peuple. Produit du système du parti unique dans lequel il s’est formé et a affiné sa personnalité, il a du mal à concevoir que d’autres idées, d’autres voix peuvent être plus efficientes que les siennes. Dans l’intérêt du pays bien entendu… Read more