Entre l’amour et la guerre, la jungle !
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Ciel rouge, du Français Olivier Lorelle, aborde la guerre et ses violences sous un autre regard. Olivier Lorelle, scénariste français de Hors-la-loi, de London River et d’Indigènes, de Rachid Bouchareb, passe à la réalisation. Ciel rouge, projetEntre l’amour et la guerre, la jungle !
Ciel rouge, du Français Olivier Lorelle, aborde la guerre et ses violences sous un autre regard. Olivier Lorelle, scénariste français de Hors-la-loi, de London River et d’Indigènes, de Rachid Bouchareb, passe à la réalisation. Ciel rouge, projeté samedi soir à la salle El Mougar, à la faveur du 8e Festival international du cinéma d’Alger, est son premier long métrage. Pas très loin des thématiques développées dans les films de Bouchareb, Ciel rouge plonge dans l’univers de la guerre au Vietnam. En 1946, Philippe (Cyril Descours), un soldat français, est en Indochine pour combattre les Japonais. Profitant de la débâcle française face à l’Allemagne nazie, vers 1940, les Japonais, en guerre contre la Chine, ont envahi l’Indochine et tenté de chasser les Français. En 1945, le général Charles de Gaulle, qui dirigeait le gouvernement provisoire français, décide de reprendre en main l’Indochine et envoie des troupes supplémentaires. Entre-temps, Hô Chi Minh, leader communiste vietnamien, proclame l’indépendance du Vietnam, quatre ans après la création des Vietminh ou Front pour l’indépendance du Vietnam (1941) pour combattre les Japonais, puis les Français. «Certains soldats français pensaient qu’ils luttaient au Vietnam contre les pillards japonais, avant de se rendre compte qu’ils combattaient les Vietnamiens eux-mêmes. Ceux qui avaient mené la guerre aux Allemands, durant la Seconde Guerre mondiale, se rendaient compte qu’ils faisaient la même chose que ceux qu’ils avaient combattus en Europe», a souligné Olivier Lorelle, lors du débat après la projection de son film à Alger. Dans son campement, Philippe découvre qu’on torturait une jeune combattante Vietminh, Thi (Audrey Giacomini), au Waterboarding (sensation de noyade). La torture est une redoutable arme coloniale. La jeune prisonnière, qui a appris la langue de Molière au lycée français de Hanoi, lui demande alors de ramener un livre. Comment une fille captive, soumise à la maltraitance, peut-elle penser à la lecture ? Le jeune soldat est fasciné par la force de Thi. Il décide alors de s’enfuir dans la jungle avec elle. «Je me bats pour une idée vide, l’Empire français», crie-t-il, en attaquant les plantes au sabre. Fragile, Philippe évolue dans la jungle soutenu par Thi, qui sait ce qu’elle veut, la Révolution ! Inévitablement, une relation amoureuse se développe entre eux. C’est la rencontre «idéale» entre la force et la fragilité. C’est peut-être la rencontre de deux solitudes, aussi. «Mes parents ne savent pas si je suis encore vivante ou morte», dit-elle. Pour elle, Philippe est «un Français étrange». «La guerre, c’est fini pour moi», réplique le déserteur, qui dit être fils de communiste, qui a combattu lors de la guerre d’Espagne. «On trahit toujours quelque chose lorsqu’on a le courage d’aller vers son destin», reprend Thi, philosophe. Les dialogues sont courts et précis. Les deux amants parlent, en pleine jungle, comme des savants. «Paroles importantes» Il n’y a presque rien de spontané en eux. Des questionnements existentiels, le film passe à une longue et ennuyeuse phase romantique. Olivier Lorelle oublie ses personnages pour s’intéresser aux insectes et aux plantes. Il offre de belles images sur un lac où les deux amants «savourent» leur amour et leur insouciance. Et la guerre alors ? Thi a-t-elle oublié qu’elle combat pour l’indépendance de son pays ? La caméra se perd dans la jungle et le rythme du film s’effondre. Brutalement, le cinéaste se rattrape avec une ellipse. On oublie le romantisme amoureux au bord du lac et on revient vite à la guerre. Rhabillés, Thi et Philipe portent les armes et luttent avec les Vietminh. Finalement, la guerre n’est pas terminée. Philippe, qui a choisi son camp plus par amour pour Thi que par conviction, tire sur des soldats français. C’est un choix courageux du réalisateur, puisqu’il s’agit d’un tabou dans le 7e art français (France 3 a refusé le film à cause de cette scène). «Il y a quand même quelques centaines de soldats français qui ont déserté. Beaucoup étaient natifs de familles de gauche, qui sont passées du côté des Viet. Ils étaient en arrière et servaient de base de renseignements. Ils informaient les Vietminh sur l’organisation de l’armée française. Certains servaient d’appât aux soldats français. C’était une guerre injuste, une guerre de colonisation. Les gens, qui ont décidé de se mettre du côté des Vietnamiens, étaient des gens courageux, étaient seuls contre tous, en fonction d’une idée qu’ils avaient de la justice. Je me suis donc inspiré de ces faits», a souligné Olivier Lorelle. Au-delà de cet aspect, Ciel rouge se distingue plus comme un film de scénariste que de cinéaste. On se concentre sur l’histoire et on néglige le reste. Au cinéma, l’amour en temps de guerre n’est pas une nouvelle thématique. Qu’a donc apporté Olivier Lorelle qui mérite d’être signalé dans ce domaine ? Presque rien, à part une petite poésie servie par la verdure des décors et «la musique» des arbres. Thi, qui parle bien le français, n’était pas un personnage convaincant. Autant que Philippe, qui a exagéré dans l’interprétation de l’homme fragile et hésitant. Ce film à petit budget, avec 450 000 euros, a été tourné en dix-neuf jours. Olivier Lorelle s’est permis de filmer comme il l’entendait, avec le risque de proposer un film décousu et quelque peu naïf. Les silences, voulus dès le départ, n’ont pas réellement servi le long métrage. Demander à chaque fois au spectateur de combler les cases blanches est un exercice périlleux. «Un film peut vivre par ce qu’il montre et sur ce qu’il ne montre pas. Je voulais que les spectateurs soient amenés à se poser des questions. C’est une manière de les intéresser. J’ai réduit les dialogues, ne retenant que les paroles importantes. Je voulais laisser la place aux paysages, montrer des humains qui se battent, sans oublier que la vie continue», a expliqué le réalisateur. La forte présence de la nature sauvage suggère donc la continuité du cycle de vie. La guerre n’a jamais arrêté la Terre de tourner, ni le retour des saisons. Pourquoi donc s’inquiéter ?! Selon Olivier Lorelle, il est difficile d’avoir des fonds en France pour des films qui proposent autre chose que ce qui est convenu . «Il faut tourner des comédies et raconter des histoires d’aujourd’hui avec des vedettes pour avoir les fonds. Donc, avec un petit budget, j’ai pu filmer sans avoir à rendre des comptes à des producteurs. Au tournage, nous avions un seul mot d’ordre, ‘‘on avance’’», a-t-il confié. Read more