Vu à la télé : L’idéologie du tout va bien…
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Les conférences de presse de Ouyahia se suivent et se ressemblent. Elles ont ceci de particulier qu’elles ne clarifient pas les idées, les situations, et n’apportent donc jamais rien de nouveau à ce qu’attendent les journalistes relevant aussi bien dVu à la télé : L’idéologie du tout va bien…
Les conférences de presse de Ouyahia se suivent et se ressemblent. Elles ont ceci de particulier qu’elles ne clarifient pas les idées, les situations, et n’apportent donc jamais rien de nouveau à ce qu’attendent les journalistes relevant aussi bien du secteur public que privé. Vous posez une question aussi pertinente soit-elle, et vous avez la certitude que la réponse, bien enveloppée, est loin de celle que vous attendiez. Vous avez alors cette étrange impression d’avoir été roulé dans la farine en prenant part à un jeu médiatique duquel l’interviewé sort toujours vainqueur. Sans égratignure, ni même la sensation d’avoir été déstabilisé. Mais plutôt avec un sourire narquois aux lèvres et souvent la mine arrogante, signe ostentatoire d’avoir réussi à damer le pion à tout le monde en usant simplement d’une phraséologie démagogique maîtrisée. Il faut dire que ce genre de contact public entre la presse et les représentants de l’Etat est devenu avec le temps un exercice médiatique pénible, fastidieux et à la limite inutile car il n’arrive jamais à rétablir, chez les officiels, des vérités qui pourtant n’échappent pas à la perspicacité de l’opinion publique. Parfois on se demande si ces officiels vivent dans le même espace que nous. Sinon, comment concevoir cette idéologie du «tout va bien» alors que pratiquement tous les signaux économiques, sociaux, culturels ou sportifs sont au rouge ? Car, et c’est trop flagrant, il n’y a pas eu tout au long de la conférence la moindre fausse note au tableau. Le pays se porte bien, et tous ceux qui pensent le contraire ne sont que des oiseaux de mauvais augure. Et ne parlons pas du désastre politique qui a anéanti complètement, depuis que Bouteflika et Ouyahia sont au pouvoir, tous les espoirs suscités par l’ouverture démocratique, le pluralisme et la liberté d’expression dans toutes ses dimensions. Le Premier ministre se permet même de faire du zèle en soulignant que l’Algérie est un pays démocratique (nous vivons dans une vraie démocratie, dit-il) et que cette démocratie est à mettre à l’actif de la grande clairvoyance du Président. Voilà le type de mensonge qui ne passe pas mais que Ouyahia n’hésite pas un instant à propager juste pour ne pas aller à contre-sens du système dont il se nourrit pour demeurer dans les postes clés du sérail. Il sait au fond de lui-même que cette démocratie qu’il défend est une illusion, une image fabriquée qui ne résiste à aucune confrontation avec la réalité. Si Bouteflika est démocrate, pourquoi s’est-il permis après ses deux premiers mandats de réviser la Constitution pour s’ouvrir une mandature à vie ? Il n’y a que dans les républiques bananières que se réalisent, par la force, les ambitions despotiques. Et son acte est à inscrire dans l’histoire comme étant celui qui a asséné un coup fatal au devenir démocratique de l’Algérie. Si Bouteflika est porteur d’espoir démocratique, pourquoi n’impose-t-il pas la règle de l’alternance en refusant de briguer un cinquième mandat alors qu’il est malade et donc dans l’incapacité d’assumer convenablement ses fonctions ? Pour le moment, il temporise alors que la campagne pour sa réélection est lancée, et le Premier ministre qui est naturellement conciliant ne trouve pas mieux à dire que l’Algérie a toujours besoin de son... guide pour justifier son argumentation. Est-on dans la symbolique du leader incontesté qu’il faut subir, ou dans l’expectative d’une alternative autrement plus raisonnée ? En ne s’impliquant pas aussi aveuglément que le fait Ould Abbès qui ne réfléchit jamais aux conséquences avant de plonger, le chef du RND (il ne faut pas oublier sa deuxième casquette) laisse toujours une sorte de fenêtre ouverte pour se ménager une sortie qui serait salutaire à sa propre ambition. On rappelle tout de même à celui-ci qu’il était déjà très «réticent» pour le 3e mandat, peu enthousiaste pour le 4e, et aujourd’hui visiblement contrarié aux entournures en voyant son rêve de présidentiable potentiel se consumer à petit feu. Derrière l’éloquence de son engagement emphatique qui veut qu’il ne se présentera jamais comme adversaire de Bouteflika dans la course à la présidentielle, Ouyahia cache mal sa terrible souffrance intérieure de ne pas pouvoir enfin donner un sens plus prononcé à sa carrière politique. Apparemment, il accepte de plus en plus mal le rôle ingrat de continuer de jouer indéfiniment les doublures, alors que le temps presse. Il nous renvoie un peu, quoique les conjonctures ne soient pas les mêmes, à l’impatience difficilement contenue de Manuel Valls quand il était Premier ministre et attendait dans la douleur la candidature de son Président Hollande qui ne venait pas. Notre Premier ministre piaffe lui aussi d’impatience d’engager son destin pour la plus grande responsabilité nationale, et se disait sûrement que l’année 2018 serait la bonne après tant de sacrifices au service de l’homme providentiel qui s’avéra en fin de compte un rempart dont il ne sait plus par quel bout prendre pour le franchir. En poursuivant toutefois sa mission de «policer» les réalisations de ce dernier qu’il a d’ailleurs pris le soin de chiffrer pour dynamiter au passage le projet du chef du FLN qui voulait s’attribuer l’honneur d’évaluer le bilan élogieux du Président par le biais de ses militants. Ouyahia pense aussi à se valoriser lui-même en renvoyant aux journalistes, derrière un masque, une sérénité et une confiance qu’il laisse au jugement de chacun. Ce qui est sûr, c’est qu’il ne dit jamais les vérités qui font désordre. Ne lui parlez surtout pas de la corruption qui a gangrené tout le pays, de la dégradation du pouvoir d’achat des Algériens dont nombreux sont menacés de précarité, de la violence qui sévit partout, de la malvie d’une jeunesse privée de loisirs et qui n’a que la mosquée ou le stade de football pour s’exprimer, de l’incurie qui paralyse les institutions de l’Etat, de la régression alarmante de la culture et de l’éducation, deux piliers du développement, de l’argent sale qui pollue le monde des affaires et que Ouyahia avait dénoncé il y a quelques années avant de faire avec, de l’économie qui patauge même avec la planche à billets que les experts ont rejetée, du tourisme qui n’existe pas et qui offre l’occasion ridicule de s’extasier devant quelque 2000 touristes étrangers qui visitent le Sud durant l’année alors que nos voisins avancent des chiffres qui frôlent les dix millions de visiteurs, du football «professionnel» qui sombre dans la violence et le gâchis alors qu’il engloutit des milliards… La liste des vérités non contenues dans l’argumentaire complaisant du Premier ministre est encore longue. Ceci pour dire que sa conférence de presse ne sert à rien si d’une part le journaliste n’a pas la possibilité de rebondir sur les questions qu’il pose, et si, d’autre part, c’est toujours la thèse de l’orateur qui prime. Une séquence ingénieuse en somme pour perpétuer la doctrine du tout va bien… Read more