«Un focus sur le cinéma algérien en perspective»
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A la tête du Festival international du film oriental de Genève, Tahar Houchi se dit satisfait de tout le chemin parcouru jusqu’à présent. Dans cet entretien, il revient sur l’essence même du FIFOG tout en regrettant que l’Algérie ne soit pas au ce«Un focus sur le cinéma algérien en perspective»
A la tête du Festival international du film oriental de Genève, Tahar Houchi se dit satisfait de tout le chemin parcouru jusqu’à présent. Dans cet entretien, il revient sur l’essence même du FIFOG tout en regrettant que l’Algérie ne soit pas au centre d’un focus. Quelle est la caractéristique de cette 13e édition du Festival international du film oriental de Genève ? La principale caractéristique de cette édition met à l’honneur les femmes. Nous avons voulu mettre à l’honneur cette année l’Iran. Un festival n’est pas un alignement de films sans cohérence aucune entre les films. C’est une sorte de tableau ou un ciel étoilé où les lumières se dardent. Quand nous regardons la programmation du FIFOG, il y a des films et des correspondances entre eux. Nous choisissons une thématique à la fin d’un festival pour essayer de trouver des films qui répondent à cette thématique. Cette année, c’est les femmes et la jeunesse. Pourquoi les femmes ? Ce n’est aucunement pour surfer sur l’actualité dominante, en l’occurrence le buzz médiatique créé par les dénonciations à Hollywood. Nous avons voulu plutôt mettre en valeur le travail de femmes qui travaillent dans des conditions beaucoup plus compliquées et complexes et où le simple fait de prendre une caméra ou de dire un mot, vous vaut l’anathème ou l’exclusion, voire la mort. Pourquoi la jeunesse ? La jeunesse est une part de la société qui est exclue dans beaucoup de pays, notamment en Orient. A travers des courts-métrages que nous considérons comme des coups de cœur et comme des créations sans compromis, les jeunes arrivent à dire sans calcul leurs pensées et leurs émotions. Il y a plus d’authenticité dans un court métrage que dans un long métrage. Nous avons voulu, comme chaque année, les mettre en valeur. Le cinéma iranien est reconnu à l’international pour sa prolifique production et sa confrontation à la censure. Cela explique-t-il votre choix de mettre ce pays à l’honneur cette année ? L’Iran est à l’honneur pour cette édition 2018 parce que le festival met chaque année à l’honneur un pays. Nous avons fait par le passé un focus sur le Liban, l’Afrique du Nord et sur le Moyen-Orient. Il était temps après 13 ans d’existence du Fifog de nous arrêter sur l’Iran. L’Iran est un pays qui produit beaucoup de films dont la qualité est indéniable. Nous avons voulu le mettre en valeur avec tous les honneurs. La seule caractéristique et différence par rapport au cinéma iranien qui s’impose un peu partout, nous avons voulu plus chercher des films de femmes ou encore d’hommes qui parlent des femmes. Ce n’est pas facile en Iran pour une femme de produire, de réaliser et de travailler dans l’industrie cinématographique qui est dominée par les hommes. Nonobstant, nous avons trouvé des réalisatrices, des productrices, des monteuses et des distributrices. Ce n’est pas représentatif. Cela ne veut pas dire qu’il y a une très bonne place de la femme en Iran. C’est seulement pour dire que les femmes sont présentes et travaillent malgré la difficulté. Parlez-nous du festival en chiffres... Nous avons 102 films tous genres confondus avec huit compétitions, tous genres confondus. Dans la compétition officielle, il y a 6 femmes sur 7. Dans le jury, il y a 13 femmes sur 15. Il y a trois compétitions scolaires et deux compétitions pénitentiaires dans la catégorie court-métrage, documentaire et fiction. Nous avons 25 lieux de projection, 200 partenaires et 80 invités en provenance de l’Orient et de l’Occident. 30 pays sont présents, entre autres l’Algérie, l’Afghanistan, Allemagne, Arabie-Saoudite, Belgique, Bangladesh, Bulgarie, Canada, Burkina Faso, Chine, Egypte, Espagne, Etats-Unis, France, Finlande, Grèce, Hollande, Irak, Iran, Italie, Jordanie, Liban, Maroc, Palestine, Qatar, Russie, Tchécoslovaquie, Tunisie, Turquie, Suisse Sur quels critères s’est faite la sélection des films ? C’est un travail qui s’est fait pierre par pierre sur une année. Il y a des films que nous découvrons directement dans les festivals dans lesquels nous sommes présents. Il y a, également, des gens qui nous envoient leur film à travers notre site internet ou encore par des connaissances qui sont des consultants directs ou indirects qui nous informent sur la sortie des films. Nous suivons par la suite tout un processus pour ramener les films qui nous intéressent. Toute personne qui vient au Fifog finit par être dans un réseau plus ou moins dormant parfois, et d’autres fois il s’active pour signaler un film. Il y a tout un processus à suivre pour avoir un film. Il faut parler au distributeur, au producteur et au réalisateur. C’est tout un processus qui s’enclenche pour avoir au final un film au Fifog, le partager et en débattre avec le public. Quel bilan pourriez-vous faire au bout de cette 13e édition du Festival international du film oriental de Genève ? Quand vous lancez au départ un festival, les gens vous regardent avec un œil sceptique. C’est frileux. Parfois certaines personnes pensent que c’est une boutade sauf ceux qui connaissent la grande histoire du FIFOG. On remarque souvent que les idées finissent par s’imposer au monde. Elles sont lancées par un petit groupe. Je pense notamment à Mao Tsé Toung qui s’est réuni avec une poignée d’hommes et qui a fini par imposer des idées qui sont encore d’actualité en Chine. Nous avons commencé, au tout début du festival, par 8 courts-métrages sur deux jours dans un lieu avec deux invités et nous avons fini aujourd’hui avec 100 films, plus de 200 partenaires, 25 lieux de projection. Nous avons pénétré des institutions qui sont sérieuses. Pour qu’on vous laisse pénétrer l’école, qui est un domaine extrêmement sensible, c’est que vous avez gagné en crédibilité. Quand on vous laisse entrer dans un lieu carcéral pour montrer des films à des prisonniers et en débattre avec eux, il faut une énorme confiance et une crédibilité dans le travail que vous fournissez. Nous avons mesuré l’intérêt et le progrès que nous avons suscités. Nous pouvons, aussi, mesurer la satisfaction qu’on peut ressentir après de longues années de travail. Chaque année, nous misons pour une nouveauté. Nous sommes attentifs à tout ce qui se passe dans le monde et dans les pays où nous puisons nos films. Nous essayons de nous inspirer de ce qui se passe dans le monde. Voire même d’essayer de prévoir ce qui va se passer dans le monde. Il nous est arrivé de faire une thématique avant les révolutions arabes sur la répression d’une minorité sous toutes ses formes. C’est juste une simple constatation sociologique. Quand on réprime une personne alors que le vent de la liberté souffle partout, nous finissons, justement, par avoir un problème. A titre d’exemple, nous avons commencé à travailler vers le mois de mai 2017 sur la thématique, et en janvier le monde du cinéma s’est retrouvé secoué par les scandales sur les femmes en Occident. Nous avions anticipé les choses. Chaque année, nous sommes attentifs en fonction de l’intérêt de la production d’un pays car pour faire un focus sur un pays, il faut d’abord une production et la disponibilité des partenaires. A partir de l’ensemble de ces données, nous décidons de poursuivre des projets. Au début, nous avons en tête plusieurs idées et lignes directrices. Certaines sont abandonnées en cours de route. D’autres sont réalisées parfois en fonction du hasard ou de l’intérêt des personnes que nos avons sollicitées pour collaborer. Certains films algériens sont en compétition à la 13e édition du Fifog, mais la logique aurait voulu qu’il y ait un focus sur l’Algérie au Fifog... Je dirais de prime abord qu’il y a des choses qui sont incompréhensibles parce que nous avons perdu beaucoup de temps l’année dernière. Nous avions même annoncé dans la presse que nous allions faire un focus sur le cinéma algérien. J’ai rencontré le ministre de la Culture algérien à deux reprises. Au final, il n’y a pas eu de répondant. Nous avons l’impression que personne n’est impliqué et encore moins intéressé. Du coup j’ai des comptes à rendre à un comité. Je ne vais pas leur dire que je veux faire un focus sur l’Algérie alors que je n’ai aucun écrit et réponse concrète. Je me suis dit que de toutes les façons faire un focus sur l’Algérie, je pouvais le faire sans passer par les officiels mais me servir de mes relations avec les réalisateurs. Sauf que quand on veut faire un focus sur l’Algérie, on montre aussi des films qui sont entre les mains du ministère de la Culture algérien. Je pense, notamment, aux classiques des films algériens Tahia ya Didou de Mohamed Zinet Ils sont disponibles en version numérique mais visiblement, c’est pour les stocker. J’avais un projet beaucoup plus large pour l’Algérie. Diffuser ces films dans le cadre du Festival international du film oriental de Genève, à la Cinémathèque de Suisse et dans un centre culturel à Zurich. Ces films auraient pu voyager avec des invités à travers toute la Suisse et en faire une vitrine impressionnante pour l’Algérie. Quand nous avons constaté qu’il n’y avait pas de répondant, nous avons dû interrompre ce beau projet. Ceci étant, nous ne perdons pas espoir. Nous sommes toujours intéressés de mettre l’Algérie en avant-plan, mais je ne suis pas sûr de convaincre les partenaires zurichois et de la Cinémathèque pour me suivre dans une autre entreprise qui a capoté. Mais pour le Fifog, nous souhaiterions toujours présenter les films classiques algériens. Read more