Boussaâdia Sound, la réhabilitation des artistes marginalisés
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Boussaâdia Sound est une fresque musicale qui fait l’objet d’une tournée nationale. Dans cet entretien, la conceptrice de projets, Tounès Aït Ali, revient sur les grandes lignes de la création de cette comédie musicale. - Comment présenter BoussBoussaâdia Sound, la réhabilitation des artistes marginalisés
Boussaâdia Sound est une fresque musicale qui fait l’objet d’une tournée nationale. Dans cet entretien, la conceptrice de projets, Tounès Aït Ali, revient sur les grandes lignes de la création de cette comédie musicale. - Comment présenter Boussaâdia Sound, sachant qu’on trouve dans cette comédie musicale plusieurs espaces et personnalités-clés de l’histoire algérienne ? Je n’ai pas voulu me concentrer juste sur Boussaâdia. En fait, Boussaâdia n’est qu’un élément et un moyen de voyager et de visiter toutes les stations et les villes choisies. En même temps, nous faisons un tour et nous découvrons un peu notre patrimoine d’un endroit à un autre. On ne découvre pas notre patrimoine comme on a l’habitude de le voir parce que cela ne sert à rien de produire la même chose que ce qu’on a l’habitude de voir. Nous avons utilisé le deuxième volet, les enfants, pour faire un petit peu notre chemin. On est partis d’Est en Ouest et après de l’Ouest vers l’Est algérien. L’histoire commence à partir du Maghreb, avec le Soudan, la Tunisie, la Libye, et par la suite, nous rentrons en Algérie. Nous aurions pu aller plus loin parce que l’histoire continue jusqu’en Egypte avec le Derouiche. - Le titre de cette comédie musicale, Boussaâdia, ne reflète pas concrètement la trame de l’histoire... Boussaâdia ne reflète pas le contenu. C’est pour cela que nous avons opté pour l’intitulé Boussaâdia Sound. Nous avons mis l’accent sur le son. L’histoire de Boussaâdia tout le monde la connaît avec Baba Salem et Baba Merzouk. Cela ne sert à rien de ramener ce qu’on connaît. Il suffit d’avoir un peu d’imagination et de création, cela ne fait pas de mal. Moi cela ne m’aurait pas intéressé de ramener le karkabou, le drapeau vert… et tout le reste. J’ai vraiment voulu sortir de tout cela. - Dans cette fresque musicale bien construite, il y a des clins d’œil et des hommages rendus à certaines regrettées figures de la culture algérienne... Exactement, nous parlons entre autres de la décennie noire, qui est très importante, de la dramaturgie galère, qui est ailleurs et qui n’est pas chez elle. On parle de la regrettée chanteuse Cheikha Remitti, qui a été marginalisée sa vie durant. Ce sont des personnages que nous avons tenu à choisir pour soit leur marginalisation, soit pour leur non-inexistence dans leurs pays. - Dans l’aspect technique de la mise en scène vous avez choisi des estrades mouvantes, plaçant vos protagonistes dessus. Pourquoi ce choix ? Nous avons mûrement opté pour une telle mise en scène. Pour le décor, ce sont des parchemins qui résument le voyage et le bateau. - Tous vos personnages sont masqués... Tous les personnages dont nous avons parlé sont des gens qui sont morts. Je n’ai pas voulu donner d’identité. J’ai souhaité que les comédiens jouent beaucoup plus avec leur corps qu’avec l’expression de leur visages. Je voulais laisser le visage neutre, préférant laisser le corps parler. - Tous les genres et styles musicaux sont omniprésents dans cette comédie musicale. C’est voulu, ce mélange de tous les styles et genres musicaux. Je remercie tous les compositeurs, à savoir Sensabil, Lahbib, Smati. Il n’était pas intéressant de ramener du patrimoine et de faire du réchauffé. Le plus intéressant, c’était de faire des recherches approfondies. Nous avons, aussi, travaillé sur l’instrument lui-même. - Comment définissez-vous le métier de metteur en scène femme dans le théâtre ? Pour le moment, je ne suis pas metteur en scène. Je fais plutôt des conceptions. J’apprends tous les jours. Le «conceptionniste» n’est autre qu’un porteur de projet. Avant d’avoir commencé Boussaâdia Sound, c’était d’abord un projet, une réflexion et un choix. Nous sommes restés tout de même deux ans sur ce projet par rapport à ses recherches et à ses financements. C’est toute une organisation. Après, la mise en scène vient avec les comédiens. J’ai eu à faire à des comédiens, des danseurs et des chanteurs professionnels. Je n’ai eu aucune difficulté pour mettre en scène le spectacle. Chacun connaissait l’aspect de son métier. La mise en scène, c’est ce ressenti et ce sentiment que l’on vous donne. Je ne leur demande pas de bouger comme je veux, mais de bouger comme ils le veulent et le sentent. - Le métier de concepteur vous amène, souvent, à diriger des équipes composées d’hommes. Je reconnais que ce n’est pas facile. J’ai eu à diriger de jeunes danseurs qui ne sont pas encore dans le métier et qui se sont confiés à des comédiens en leur disant comment une femme est en train de me crier dessus ! Oui, c’est une mentalité. J’essaye de leur expliquer qu’une conceptrice est une artiste avant d’être une femme. C’est mon combat de tous les jours de dire qu’il faut qu’il y ait des femmes dans, entre autres, la musique, la scénographie, la réalisation, ainsi que dans tous les domaines artistiques. Il faut qu’on ouvre ces espaces aux femmes. Me concernant, j’arrive à m’imposer grâce à mon travail. - La comédie musicale Boussaâdia Sound est en tournée nationale depuis le 21 mai et jusqu’au 11 juin. Quel est le retour de votre public à l’intérieur du pays ? Nous sommes en tournée depuis le 21 mai avec deux organisateurs, le réseau Nada et l’ONCI. Nous nous sommes produits, entre autres, à Béjaïa, Sétif, Aïn Témouchent, Oran, Tiaret, Médéa, Biskra, Chlef, Laghouat, Djelfa et Oum El Bouaghi. Le spectacle avec cette tournée a pris un élan très important, car pour nous, l’Algérie profonde a le droit aussi de voir un spectacle professionnel. Il ne s’agit pas d’un spectacle comique, mais constructif, qui a pu englober et arracher une réaction très positive de la part de différents publics. Malgré les salles inconfortables que nous avons croisées, l’important c’étaient les jeunes associations qui nous ont reçus avec leur amour pour le théâtre. Nous pouvons construire plein de choses, mais avec la participation de toutes les organisations concernées, pas uniquement le ministère. La nouvelle génération a besoin de repères. Il est de notre devoir de lui apporter ces éléments précieux. On ne fait pas de tournées juste pour faire des tournées, mais pour promouvoir notre patrimoine d’une vision nouvelle afin de toucher l’ensemble de la société dans les grandes villes et surtout les petites. Pour cet été, une caravane sera financée par l’agence Chahra Production. Cette comédie musicale est également programmée au Festival arabe en juillet prochain, avec trois représentations à Sidi Bel Abbès, Mascara et Mostaganem. Nous sommes également programmés, prochainement, à Bruxelles, au Centre culturel de Paris et dans un festival en Inde. Je tiens à signaler que je ne fais pas ce métier juste pour gagner ma vie ou encore pour être reconnue dans la rue. J’exerce ce métier intelligemment et avec conviction. Read more