Point de vue : L’artiste algérien humilié
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Censé être au cœur de la société, dans laquelle il doit jouer un rôle fondamental dans l’éveil des consciences, dans la dénonciation des fanatismes et dans le rehaussement des goûts, l’artiste algérien se trouve aujourd’hui délaissé, rejetéPoint de vue : L’artiste algérien humilié
Censé être au cœur de la société, dans laquelle il doit jouer un rôle fondamental dans l’éveil des consciences, dans la dénonciation des fanatismes et dans le rehaussement des goûts, l’artiste algérien se trouve aujourd’hui délaissé, rejeté, parfois accusé. Par volonté politique, il a été clochardisé et mis au ban de la société, car il crée. Or, la création est changement, et tout changement effraie les despotes. Le ministère de la Culture, censé être au service de l’artiste, est devenu son ennemi. A travers une stratégie d’hégémonie marquée par des atteintes graves à la liberté d’expression et d’action artistique et culturelle, ce ministère a asséché les puits dans lesquels l’artiste puise son inspiration. Sa dignité, à vrai dire. L’arsenal réglementaire et légal, particulièrement liberticide, élaboré lors du mandat de l’ancien ministre de la Culture Khalida Toumi (2002 à 2014), et entretenu par les ministres qui lui ont succédé, demeure l’instrument le plus explicite qui a mis notre secteur des arts et de la culture à genoux, et avec, nos artistes, condamnés à souffrir en silence. Incapable de doter l’Algérie d’un secteur culturel fort, le ministère de la Culture est aujourd’hui un ministère pauvre. Pauvre, non pas parce qu’il a perdu près de 70% de ses ressources entre 2015 et 2018, mais pauvre par son incompétence pour gérer les affaires culturelles du pays, pauvre par son inaptitude à faire briller la culture algérienne dans le ciel des nations, et surtout, pauvre par son incapacité à offrir une vie décente à nos artistes. Ainsi, malgré avoir dépensé 3,3 milliards de dollars en dix ans (entre 2008 et 2018), le ministère de la Culture était incapable de doter nos artistes d’un statut qui reconnait leur rôle dans la société, et qui préserverait leur dignité. Des dizaines d’appels de détresse sont recensés annuellement, où des artistes demandent de l’aide pour un logement ou pour une prise en charge sanitaire. La carte de l’artiste, lancée en grande pompe il y a quatre ans, et qui devait permettre aux artistes algériens d’avoir des avantages liés à la santé et à la retraite, s’est avéré une grande farce. Aux dernières nouvelles, des cartes d’artiste se vendent au marché noir pour 50 000 DA pièce, à destination de jeunes qui veulent optimiser leurs chances pour avoir un visa. Par ailleurs, les « Takrimate » (hommages) aux artistes, qui se sont démultipliés ces deux dernières années, ne changeront en rien la situation de l’artiste. Le vrai hommage serait de permettre à l’artiste de vivre dans la dignité, et ceci, en lui offrant un environnement favorable dans lequel il peut créer librement, et un marché propice, dans lequel il peut diffuser et vendre ses œuvres aux publics pour vivre. Les hommages dans les pays autoritaires sont une aliénation. Ainsi, nos artistes se retrouvent aujourd’hui réduit à une sorte de totems, qui une fois sur le lit de la mort, voient se succédéer à leur chevet des responsables sans scrupule, qui viennent prendre, avec un sourire narquois, des photos comme pour se délecter de l’état de fragilité de nos chers artistes, dont on aurait aimé garder d’eux une image autre. C’est ainsi que le profil du ministre de la Culture sur Facebook est devenu une sorte de pré-nécrologie, où il s’expose avec des corps malades, frêles, abimés par l’insouciance d’un Etat où un terroriste est mieux considéré qu’un artiste. Read more