Parution : Un nouveau livre traite de la citoyenneté
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L’anthropologue Mohamed Mebtoul vient de signer son nouveau livre intitulé Algérie, la citoyenneté impossible ?, publié aux éditons Koukou et rassemblant un travail d’une trentaine d’années passées à enquêter et analyser les pratiques quotidienParution : Un nouveau livre traite de la citoyenneté
L’anthropologue Mohamed Mebtoul vient de signer son nouveau livre intitulé Algérie, la citoyenneté impossible ?, publié aux éditons Koukou et rassemblant un travail d’une trentaine d’années passées à enquêter et analyser les pratiques quotidiennes, notamment auprès des travailleurs du secteur de la santé, dont les médecins. En effet, l’enseignant-chercheur et fondateur du groupe de recherche en anthropologie sociale en 1991, revient avec ce texte rassemblant une série d’articles qui s’appuient sur ses travaux sur la santé, la médecine et la maladie, selon une approche ethnographique, et ce, pour s’interroger sur la citoyenneté et ses champs possibles en Algérie. Il déclare : «Je n’aborde pas la citoyenneté comme objet en soi et pour soi. C’est venu en creux. La notion représente pour moi une clé de lecture sur mes études empiriques sur la santé et pas seulement puisque j’ai travaillé sur les jeunes, les jeunes à la marge et la prostitution, par exemple. Ces études m’ont amené à dire qu’il y a une question fondamentale que je définis, et là je reprends les travaux d’Etienne Balibar et je dis que la citoyenneté, c’est une reconnaissance publique et politique de la personne. Je m’interroge donc si j’ai rencontré cette reconnaissance ou son déni à travers mon expérience de chercheur». Mohamed Mebtoul, qui repose le débat dans le champ des sciences sociales en fondant sa problématique sur ses propres travaux, affirme être dans une approche qualitative, notamment selon une anthropologie du présent, du quotidien : «Je m’inscris fondamentalement dans l’anthropologie du quotidien. C’est mon orientation théorique privilégiée car j’essaye de comprendre, dans le cas des médecins par exemple, le sens de leurs activités, leurs représentations. Je m’intéresse à ces espaces du quotidien où nous rencontrons un langage ordinaire, chez les malades, avec des mots très importants comme ‘Rassi yatbakh’, un langage à analyser et c’est dans le quotidien que nous pouvons rencontrer ça. Je ne me suis pas risqué à une approche socio-historique et je suis resté dans la quotidienneté, le présent, même si j’ai fait l’histoire du système de soins dans ce livre». M. Mebtoul explique comment il est arrivé à réinterroger ses travaux en prenant la citoyenneté comme problématique, en mettant en lumière les rapports sociaux et l’altérité : «A l’origine, je travaillais sur les interactions. J’aime bien la sociologie interactionniste de Goffman et Becker. J’ai donc essayé de montrer cette fragilité dans les rapports sociaux, cette distanciation dans les rapports entre les gens, ces évitements. Et ça m’a frappé ! Je me suis dit qu’il faut trouver une clé pour comprendre tout ça et ce fut la citoyenneté. Et, il faut savoir qu’il y a beaucoup de travaux sur ça. C’est une rhétorique universelle. Mais mon objet justement, c’est un glissement par le bas à travers l’expérience sociale des gens. Des choses comme que disent les jeunes ? ‘Madame Courage’, la hogra, les harragas, etc. Au final, je me dis qu’il y a peut être des citoyennetés et pas une seule. Il est possible qu’on retrouve des poches de citoyenneté, c’est possible qu’il y ait des cités au sens grecque». Sur ce point, l’auteur souligne qu’il y a des blocages à définir et qui empêcheraient l’émergence d’une citoyenneté, à savoir un frein aux rapports à la ville, à la cité, à l’autre et aux lois. «Regardez ! Vous avez des cafés littéraires, des associations qui font beaucoup de choses, etc. il y a des tentatives de citoyens qui sont l’objet de détournements, de ‘dé-légitimations’ et des blocages. Il y a une fragilité dans la construction même de ces tentatives. C’est pour ça que je la vois comme un processus social, politique et culturel», déclare le chercheur, qui souligne qu’il pose le débat anthropologique et social autour de la question, d’où le point d’interrogation dans le titre. Interrogé sur son expérience personnelle et vision de la citoyenneté, il confie : «Jusqu’à aujourd’hui, je n’ai pas retrouvé de citoyenneté au sens de Balibar, à savoir cette capacité collective à exprimer (l’appartenance Ndlr). Mais je maintiens que la société est imprévisible d’où mon optimisme car je demeure un intellectuel engagé et libre, j’agis dans l’honnêteté et la rigueur scientifique». Il évoque la qualification de l’Algérie au Mondial et la population sortie en liesse dans la rue jusqu’à très tard dans la nuit pour fêter cet évènement sans heurts. «Regardez ce qui s’est passé quand on s’est qualifiés. Les gens, hommes et femmes, petits et grands sont sortis, ont fait la fête et il n’y a pas eu de dépassements, c’est dire que je suis optimiste quand j’analyse ces données. Il est vrai qu’on dit que le foot, c’est la guerre, c’est l’argent et l’instrumentalisation. Mais la société a démontré qu’il y avait des signes. J’essaye justement de démontrer dans ce livre que ce n’était pas le nationalisme dogmatique. Il y avait du patriotisme populaire et je dis en somme qu’il y a des choses à voir dans le détail, dans ces détails et c’est ce que je propose dans ce livre, à savoir une anthropologie du quotidien avec la citoyenneté comme clé de lecture et de compréhension». Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que Mohamed Mebtoul a déjà plusieurs publications à son compte, notamment Discipline d’usine, productivité et société en Algérie, éditions OPU, 1990, Une anthropologie de la proximité, les professionnels de la santé en Algérie, publié aux éditions L’Harmattan en 1994, ou encore Une vie quotidienne sous tensions, publié en 2008. On retrouve également la même thématique de la citoyenneté dans une de ses publications en 2013 aux éditions Dar El Adib : Citoyenneté en question. En tout état de cause, ce nouveau livre vient reposer le débat sur la citoyenneté avec une approche ethnographique, permettant à coup sûr d’avoir une lecture nouvelle des luttes quotidiennes, à la faveur de celle des médecins résidents qui font la couverture de ce livre, et ce pour appréhender le sens que donnent les acteurs sociaux à leurs propres préoccupations. Read more