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- Vous venez de publier Tamazight-âme de l’Afrique du Nord. En deux tomes de 30 chapitres, vous faites la rétrospective de l’histoire de la question amazighe, de l’antiquité jusqu’à nos jours. Comment est né ce projet ? La question amazighe,Le passé profondément amazigh de l’Afrique du Nord continue de tourmenter nombre d’esprits
- Vous venez de publier Tamazight-âme de l’Afrique du Nord. En deux tomes de 30 chapitres, vous faites la rétrospective de l’histoire de la question amazighe, de l’antiquité jusqu’à nos jours. Comment est né ce projet ? La question amazighe, qui se trouve actuellement sous les feux de la rampe, avait frappé l’esprit de l’auteur que je suis à la fin de 2010. Correspondant de presse à l’époque, j’eus l’opportunité de faire part de la découverte d’une stèle haute en couleur, semblable à celle d’Abizar découverte en 1859. Pour moi, cette stèle est un trésor archéologique. Le cavalier qui orne son relief et l’écriture libyque qui l’accompagne sont la signature d’une civilisation ancienne dont il m’importait de suivre la tangente. En marge, une forte curiosité titilla mes neurones pour aller à la recherche des éléments socio-politiques qui avaient conduit tamazight vers les bas-fonds de l’histoire, les conditions de sa décadence et, par ricochet, mettre au grand jour les efforts des enfants de cette vaste terre qu’est l’Afrique du Nord pour redonner à tamazight la place qu’elle mérite en tant que langue, que culture et qu’identité. Au bout de six ans, le projet a finalement pris forme, devenu un ouvrage dense, que j’ai publié en deux tomes. - Une polémique a éclaté, ces derniers jours sur les réseaux sociaux, après l’annonce de l’érection d’une statue dédiée à Massinissa et qui sera implantée à Alger. Comment expliquez-vous cette levée de boucliers contre l’aguellid berbère ? Je suis profondément heureux que cette stèle soit réalisée et implantée au cœur d’Alger. J’ai moi-même rédigé un long article publié par nombre de titres de presse, comme El Watan, où j’appelais de mes vœux à l’érection d’une stèle en hommage à Jugurtha et, finalement, c’est son grand-père qui sera honoré en premier ! Cela dit, la récente levée de boucliers contre l’aguellid dénote la persistance d’une idéologie ringarde, amplement négationniste et surtout à caractère manichéen. C’est une vieille maladie qui remonte aux racines du Mouvement national qui, à titre d’exemple, avait réservé une double réception à l’ouvrage de Mohand Cherif Sahli. En effet, Le message de Jugurtha, publié en 1947, eut les faveurs des fidèles de l’UDMA de Ferhat Abbas, qui l’avaient encensé et promu contrairement aux messalistes qui l’avaient voué aux gémonies dans un moment cardinal où la lutte anticoloniale était exacerbée. Le passé profondément amazigh de l’Afrique du Nord continue de tourmenter nombre d’esprits pour qui la mémoire doit être sélective pour n’en retenir que la période allant des cavalcades sanguinaires de Oqba jusqu’à nos jours. Autrement dit, seule la période islamique nécessite un coup de projecteur. Au-delà, c’est-à-dire la période antéislamique relève de la «jahiliya», à mettre sous terre, comme le souhaite Abdallah Djaballah et consorts. Face à cette levée de boucliers, il est urgent de répliquer par des levées pédagogiques en vue de dépoussiérer notre histoire, de décomplexer l’Algérien et le réconcilier avec son passé. Le chantier est immense mais le salut national est à ce prix. - Une école, qui n’enseigne pas aux élèves l’histoire de leur pays, est-elle la seule responsable de cette haine ? L’école algérienne est constamment l’otage non consentant du régime politique qui en chapeaute le programme. Une classe d’école est le «foyer local» d’un pouvoir politique, pour reprendre les termes du philosophe Michel Foucault. Après des décennies d’un embrigadement intensif, force est de constater que la haine de soi va crescendo, mais cela n’autorise pas à mettre uniquement l’école dans le box des accusés. L’islam politique, doté d’intenses ramifications au cœur de la société algérienne, prend un malin plaisir à cliver la population, à semer la haine et les graines de la discorde dans les mosquées. Pour que le récit national soit le souci des historiens et non des politiques, une vigilance intellectuelle à toute épreuve doit se manifester à chaque dérive, urgente et énergique. Seul l’effort d’un consortium d’historiens engagés, jaloux de leur vocation, peut faire bouger le curseur vers l’objectivité historique, laquelle s’impose par son inflexibilité, sa crédibilité et sa réceptivité aux critiques. A ce propos, je suis intimement convaincu que la création d’une chaîne de télévision dédiée à l’histoire est salutaire : en l’espèce, elle va sauvegarder et transmettre des pans de la mémoire nationale, explorer les zones d’ombre de notre histoire et dessiller les yeux à des franges entières de la société, restées prisonnières de canaux d’informations peu scrupuleux. Ceci est surtout vrai dans un espace démocratique où la séparation des pouvoirs est un préalable inaliénable. - Vous êtes un romancier prolifique. Vous avez à votre actif cinq romans ayant un succès certain. Des projets en perspective ? L’officialisation de tamazight contribue précieusement à l’édification du projet démocratique algérien. Mais cela ne suffit pas ! Reconnaître la diversité linguistique des Algériens est un pas important qui doit nécessairement conduire au respect de la liberté de conscience qui est un enjeu de modernité incontournable. Cela s’appelle la laïcité de l’Etat et cette thématique – ou exigence intellectuelle – me préoccupe profondément. Vous l’aurez compris : la liberté de conscience est mon prochain thème-projet d’écriture. - Vous êtes aussi éditeur et votre maison Tafat accueille de nouveaux auteurs. A l’instar de toute la corporation, vous faîtes face à une avalanche de problèmes, notamment en ces temps de crise. Comment faîtes-vous pour y faire face ? La crise qui malmène le monde de l’édition ne date pas d’aujourd’hui. Si le secteur du livre va mal, cela est le reflet d’un malaise profond qui est l’absence d’un projet culturel national. Ce projet a pour nom le respect de la liberté d’expression, le respect des libertés démocratiques ; seule la démocratie peut sauver le livre, en remettant le savoir, dans le sens noble du terme, au centre des préoccupations du peuple. Nonobstant, Tafat éditions ne dispose d’aucun plan Orsec ; son approche est classique, elle est faite de passion, de professionnalisme et de diversité des thématiques mises à la disposition du lecteur. Je crois, en effet, que la générosité éditoriale et les prix de vente de la collection Tafat ont largement contribué à ce que notre catalogue continue d’intéresser un large lectorat. Read more