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Pour l’artiste chorégraphe, qui a quitté Tiaret à l’âge de quatre ans pour vivre en banlieue parisienne puis à Paris, cette performance marquait son retour en Algérie après presque quinze ans d’absence. C’est donc avec une grande émotion qu’La réinvention des danses traditionnelles
Pour l’artiste chorégraphe, qui a quitté Tiaret à l’âge de quatre ans pour vivre en banlieue parisienne puis à Paris, cette performance marquait son retour en Algérie après presque quinze ans d’absence. C’est donc avec une grande émotion qu’elle a affronté la magnifique architecture du Palais des raïs. La danse : une expérience d’abord vécue Si Saâdia Souyah a quitté l’Algérie à l’âge de quatre ans, elle fait partie de celles et ceux pour qui le pays est un objet d’attachement : entre 1980 et 1986, elle est animatrice culturelle au sein de l’Amicale des Algériens en Europe et vient à ce titre présenter une pièce de théâtre à Mostaganem, puis pour un spectacle au Festival de la jeunesse à Alger en 1984. En 2003, lors de la préparation de l’Année de l’Algérie en France, elle vient visionner les vidéos et est accueillie par Brahim Bahloul, ancien directeur du Ballet national algérien. Puis elle se fond dans Paris, se sent une citoyenne parisienne parce que Paris, dit-elle, est cosmopolite, «la ville de tous les déracinés, le lieu où toutes les cultures se croisent». Pour autant, elle reste attachée à l’Algérie et le retour de 2018 est plein d’émotion. A travers la performance qu’elle présente, c’est l’attachement aux visions qui l’ont émue, notamment la démarche des femmes en haïk blanc. Les danses à l’occasion des fêtes familiales, mais aussi la déambulation des femmes en ville, avaient ébloui aussi la petite fille qu’elle était : toutes portent un haïk, mais chaque femme a une manière singulière de le faire. Tous ces souvenirs liés à sa culture d’origine constituent le premier matériau de la danse, souvenirs incorporés et prêts à servir les besoins d’une chorégraphie. L’image de la danse orientale la plus couramment répandue en Europe est celle d’une danse sensuelle, voire lascive, c’est cette sensualité qui fait d’ailleurs la fortune des cours de danse «orientale». A l’opposé de cette image, Saâdia Souyah conçoit la danse d’abord comme une expression de la spiritualité, comme expression d’un monde intérieur nourri d’une tradition. Loin du folklore ou du stéréotype, elle cherche à suggérer, mais dans la retenue. Sa peur est d’être trahie par ses mouvements. Mais le voile dont elle se pare a un rôle paradoxal : il couvre, mais peut exacerber, faire ressortir les émotions. En soulignant les lignes du corps, il rend visible ce qu’on voudrait cacher. Son travail d’artiste chorégraphe est néanmoins de mettre en valeur les lignes, de les géométriser de façon à transporter le spectateur dans l’intemporalité. Saâdia Souyah cherche une émotion immuable, quelle que soit l’époque, c’est le voile qui lui donne une liberté de création. Se pose alors la question de la définition de la danse contemporaine. L’interprétation des danses algériennes à l’époque contemporaine Cette question suppose de disposer d’instruments de connaissance, mais quels sont-ils ? Certes, quand il s’agit de construire un rapport à l’espace, le travail est d’abord celui du chorégraphe et met en jeu le rapport à soi-même : comment se situe-t-on dans l’univers ? Quelle conscience a-t-on de ce rapport ? On peut dater des années 1990 les débuts de la notation de la danse orientale : elle se manifeste par une codification pour mieux transmettre le mouvement. Si cette notation des figures est donc utile, elle méconnaît pour Saâdia Souyah la part de la spiritualité : l’artiste soutient que les danses du monde arabe ne doivent pas être conçues en termes de pas. Dans sa perspective, il faut considérer chaque danse dans sa spécificité, qu’il s’agisse de la chaouia (frappe des pieds sur un rythme binaire avec un sursaut du ventre à chaque frappe de pied) ou, au contraire, de la danse algéroise (parade citadine) avec ses pas comptés, un petit chaloupement du bassin qu’accompagnent des mouvements gracieux des mains. La plus spirituelle est, à ses yeux, la danse de la guedra (danse touareg) : quand les femmes se lèvent et dansent, c’est tout un monde qui nourrit la danse de ses motifs rythmiques et de formes qui viennent de l’intérieur. Ce sont toutes ces danses, leurs musiques et leurs rythmes particuliers que Saâdia Souyah a travaillés pour ses retrouvailles avec le public algérien. Read more